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girart de roussillon

cendit du perron[1], prit ses armes, sonna un cor d’ivoire pour avertir les siens, et chevaucha devant tous avec l’air d’un guerrier qui va au combat.

163. Or chevauche Girart avec ses amis, avec des compagnies venues de pays éloignés. Ils ne portent en bataille ni vair ni gris, mais des bliauts foncés et festonnés, et par dessus du fer et de l’acier qui reluit, de l’azur et du vernis qui resplendit[2]. C’est Girart, Fouque, Boson, toujours prêt, Pons, Ricart, Coine et Otoïs. Ils sont quatre cent mille, le bref[3] le dit, endurcis et ardents au combat, la tête inclinée sous le heaume. Ils attendent que Charles les attaque, et ainsi fera-t-il avant peu, ils le savent bien. Du haut d’une colline, près d’une brèche, descend Charles Martel de Saint-Denis, avec lui les Bavarois, les Saxons, les Letis[4], les Allemands, les Lorrains, vaillants. Thierri, duc marquis, portait leur enseigne. Il les conduit par la campagne fleurie, et tel était leur nombre que l’homme le plus habile n’aurait su l’estimer. À l’abaisser des lances, il n’y eut pas un mot de prononcé, mais onques depuis lors il n’y eut tel deuil.

164. Là où les deux lignes se rencontrèrent, pas un ne retint frein ni étriers, et on frappa pour de bon. Fouque et le comte Girart étaient au premier rang, avec eux les Allemands et les Désertois, ceux de Montbéliart et de Vaubenc, Renier et Oudin les fils d’Ardenc. C’est maintenant que frappent Provençaux, Viennois, Navarrais, Aragonais....[5], et de l’autre part Bavarois, Saxons, ceux de Cologne, Normands, Français, Flamands ; ils frappent devant eux comme ils se trouvent ; l’écu ne vaut pas pour celui qui le porte une

  1. Voy. § 155.
  2. Le fer et l’acier des hauberts, l’azur et le vernis des boucliers.
  3. La chronique, l’histoire.
  4. Les Leutiz, ou Lutiz qui figurent dans Rolant, v. 3205, dans Gormont, v. 444, et ailleurs ; ce sont les Wilzes, habitants des bords de l’Oder ; voy. G. Paris, Romania, II, 331-2.
  5. E li Rossenc Oxf., Rochenc P (v. 2177.)