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girart de roussillon

rière-garde des Provençaux qui passent auprès de Girart par un pré : ils sont soixante mille, tous à cheval. Don Odilon les conduit, le riche captal, en la mêlée qui fut forte et fière. De lances et d’épées ils frappent des coups mortels, tellement que les hommes de Charles ont reculé de plus d’une portée de flèche. Thierri dit à Charles : « Nous ne sommes plus de force égale : Donnez-moi trente mille hommes des plus solides. Par eux le bien triomphera du mal. » Et le roi lui donne les Bavarois et les Tiois : on ne saurait trouver plus ardents au combat. Thierri, duc royal, porta l’enseigne. Tous ensemble s’avancèrent, le long d’un vallon. C’est aujourd’hui que les braves se feront connaître.

157. Les Désertains font par le champ un grand massacre ; ils vont par la mêlée comme un tourbillon. Don Odilon vint chevauchant par un chaume. Jamais vous ne vîtes vieillard savoir aussi bien se retourner et porter des coups. Boson, Fouque et Seguin furent ses fils ; ils sont venus devant lui, les trois damoiseaux, vêtus de hauberts noirs comme du charbon[1] : Odilon jure Dieu et saint Ostril[2] que s’il trouvait un lâche parmi eux, il le ferait moine en un moûtier. Tandis qu’il les exhorte, sans qu’aucun dise mot, voici venir Thierri de Mont-Causil[3] avec les Bavarois et les

  1. Cum de faizil, Oxf. (e de fesil P. 2075 est corrompu) ; c’est sans doute le même mot que le fr. fraisil, résidu de forge, dont l’origine n’est pas connue, car fractilhum, proposé par M. Littré, est inadmissible, comme l’a dit avec raison M. Scheler. Du reste, l’r est sans doute d’introduction récente, car faisi, fesi existe dans divers patois du Nord et même dans des textes anciens. Voy. Du Cange, fasilia ; Hécart, Dict. rouchi, fasi.
  2. Saint Austregesil, archevêque de Bourges (viie siècle). Ce nom vient ici pour la rime.
  3. Ce surnom doit venir d’une terre éloignée possédée par Thierri, ou peut-être qu’il avait simplement habitée. Plus loin, § 201 (P. v. 2702), nous le verrons revenir de Mont-Causil où il avait passé un temps d’exil. C’est sans doute le même lieu que le Moncausei où une première fois il s’était réfugié (ci-après § 184).