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girart de roussillon

vous dire : c’est que je suis envoyé en message à la cour royale. Je veux que vous entendiez [tout ce qui s’y dira] le bien comme le mal. Que chacun emmène deux écuyers, sans plus, qui ne porteront ni malles, ni lit ni caisses (?). Les bons chevaux seront menés en dextre ; on portera le haubert blanc jaseran[1], le heaume orné de cristal[2], la vieille épée [à la poignée] d’or, le bon écu, la lance acérée bien fourbie, le penon de cendal[3]. Quiconque portera un vieux clavain[4], même comme poitrail[5], il ne tiendra plus de ma terre ni maison ni casal. Le roi est à Orléans avec ses seigneurs. Sous la ville il rassemble son ost en la prairie ; [ce sera une] ost grande, complète, générale. Seigneurs, soyons à cheval au premier chant du coq. Mardi nous prendrons nos logis à Bourges. »

103. Fouque fut compris ; on se conforma à ses ordres quant à l’équippement. Sur ces entrefaites, un damoiseau vient à lui : « Sire, la table est servie, pour vous et pour vos fidèles. » .... Ils entrèrent dans la salle que fit Teüs[6], elle était entièrement peinte en mosaïque[7] jusqu’aux voûtes. Un vieillard en cheveux blancs leur fit donner l’eau. Quelle admirable richesse leur fut montrée ! jamais jeune homme n’avait rien vu de tel. C’étaient des hanaps, des

  1. Ce mot, qui doit être conservé puisqu’il n’a pas de correspondant en français moderne, désigne probablement une cotte de maille algérienne, voy. Diez, Etym. Wœrt. I, ghiazzerino, Littré, jaseran. D’autres étymologies ont été proposées ; voy. Revue critique, 1868, II, 407.
  2. D’une boule de cristal, au sommet.
  3. Étoffe de soie.
  4. Clavel ; le clavel ou clavain désigne ordinairement une sorte de pèlerine de mailles qui s’attachait au haubert. Voy. ma traduction de la Chanson de la croisade albigeoise, p. 229, note 1.
  5. Armure qui protégeait le poitrail des chevaux ; voy. l’ouvrage précité, p. 212, note 4, et 324, note 3.
  6. Queütz P. (v.1032) qui n’est pas moins étrange que Teüs.
  7. A musec (v. 1033), c’est l’opus musivum ou mosaicum ; on disait musivo pingere, voy. Du Cange, IV, 588 c.