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girart de roussillon

d’une aunaie. Il déploya son enseigne, pour la faire flotter au vent ; les pans et les plis en étaient pleins de sang. Avec lui vinrent trois ou quatre comtes, Pons, Ricart et Coine et les Desertois[1]. Chacun cria son enseigne, et là où ils se heurtèrent il y eut grand fracas. Il n’y a si bon écu qui ne se brise, raide lance qui ne vole en éclats ou ne se courbe. La maille du haubert ne valut pas plus qu’un morceau de cuir. Fouque se mesure avec Arbert[2], Girart avec le roi. Voici Arbert renversé du cheval noir, et Girart abattu de Ramon près d’un..... Mais à leurs secours, il y eut un tel tumulte, que celui qui fut frappé et ne tomba pas, eut certes la protection de Dieu et de saint Remi. Fouque fit prisonnier Arbert sous les yeux du roi. Trois mille restèrent morts sur le champ de bataille ; Girart fit beaucoup de prisonniers. C’est pour son malheur que Charles se laissa entraîner à l’orgueil, qu’il crut

  1. Desertei (rime), Desertes, v. 1282 (rime). Desertan 2068, Desertenc v. 2173, 4380 (rime), mêmes leçons dans O. et P., Desertanz del Pui de Trez, 1796, sont autant de variantes d’un nom qui désigne assurément les habitants d’une contrée déserte : du Berry peut-être (il faudrait trouver dans cette région le Pui de Trez) qui paraît avoir porté le nom de « Terre déserte ». On lit dans Lancelot du Lac : « Li rois [Bans] avoit .j. sien voisin qui marchissoit a lui par devers Berri, qui lors estoit apellée la Terre deserte. Icil voisins avoit a nom Claudas, et estoit sires de Beorges (Bourges) et del païs tot environ... La terre de son regne estoit apelée deserte porce que tote fu adesertée par Uter Pandragon » (Bibl, nat., fr. 844, fol. 184 b). Il se peut qu’en effet le Berri ait porté ce nom ; toutefois il n’est pas impossible qu’il y ait là un essai d’étymologie populaire du nom Berri ; on sait qu’en ancien fr. berrie désigne une plaine déserte, voy. Du Cange, beria, Raynouard, Lex. rom., II, 213, berja (lisez beria). Il semble toutefois difficile que le Berry ait été tenu de Girart.
  2. Arbert de Troyes, comme on va le voir. Ici il est appelé Albert, mais plus loin Arbert. Ce n’est pas un personnage inventé. Deux Herberts, comtes de Champagne, ayant aussi porté le titre de comtes de Troyes, figurent dans l’histoire au xe siècle ; voy. d’Arbois de Jubainville, Hist. des ducs et des comtes de Champagne, I, 75 et suiv., 158, note 1, etc.