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girart de roussillon

ne verrez point passer la fête des Rogations sans que mon seigneur vous ait montré tant de riches barons, et là dehors, par ces prés, tant de pavillons, bleus, vermeils, jaunes, variés comme la queue du paon, qu’on n’aura jamais vu tant d’enseignes couvrir la campagne, ni tant de riches barons assemblés pour combattre. — Ami, » dit Girart, « laissez cela. Que le roi ne me cherche point querelle, mais qu’il prenne le mien comme le sien. » Alors sa mesnie entière s’écrie d’une voix : « Il ne faut point avoir affaire à un homme insensé ; car s’il peut te tirer d’ici par trahison, ou il te fera pendre comme larron, ou il te tiendra toute ta vie en prison. Jamais on ne vit roi si cruel : il a consenti à la mort des fils d’Yon[1].... »

49. Girart entend le messager à la parole hautaine. Il s’est levé et à parlé : « Bernart, tu t’en iras à la tente de Charles, et tu lui demanderas pourquoi il me cherche querelle ? Car je tiens en aleu tout mon duché. Je n’irai pas à sa cour de tout l’été. Je ne me sens pas assez dépourvu de sens pour lui rendre aussi folement le château. Que mon âme n’aille point à Dieu, si d’abord mille hommes n’ont eu leur jugement en champ de bataille, si maint franc chevalier n’est renversé à terre ! Les champs seront humides de sang, et jamais roi n’aura été si courroucé.

50. — Que me direz-vous de ceci ? » reprend Bernart ; « le

  1. Eion Oxf., Yo P. (v. 183). Allusion fort obscure à un récit, d’ailleurs inconnu, où se trouve mêlé le roi Yon, peut-être cet Yon de Gascogne que nous connaissons par divers poëmes, Renaut de Montauban, par exemple, Aiol, Girart de Vienne, et qui a récemment été identifié avec le duc d’Aquitaine Eudo, voy. Longnon, Revue des Questions historiques, 1er janv. 1879, p. 185 et suiv. Voici l’une des façons dont on pourrait traduire le texte, probablement corrompu dans les deux mss., qui est remplacé ci-dessus par des points : « ... des fils d’Yon qui ne purent obtenir un accord à Dueon (sic Oxf., Dijon : Doro dans P.), passèrent la mer pour se rendre auprès du roi Oton ; ne pouvant rien faire de plus à celui-ci, il l’empêcha de leur donner asile dans Avalon. »