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iv. état des personnes et civilisation

vœu si souvent répété au moyen âge, que les barons unissent leurs forces contre les Sarrasins, au lieu de se déchirer entre eux (§ 124)[1]. Mais, par une application imparfaite de l’idée chrétienne de la satisfaction, on croyait réparer tous ses torts par des fondations pieuses. Et c’est pourquoi le roi et Girart sont représentés fondant de nombreux monastères (§§ 188, 634, 636, 672, 674-5). Observons, en passant, que la dernière partie du poème, où la main du renouveleur se laisse reconnaître d’une façon si évidente, se distingue par une douceur de mœurs, par un sentiment tout chrétien de la supériorité de la paix sur la guerre, qui sont loin de se manifester au même degré dans le reste de la chanson.

Le vice le plus grave et le plus répugnant de la société du moyen âge, c’est la cupidité. C’est surtout dans les hautes classes qu’il s’étale sans vergogne. Lorsque, dans les chansons de geste, nous voyons Charlemagne accorder ses faveurs à un coquin qui lui a fait un riche présent, nous sommes tout d’abord portés à croire qu’il y a eu de la part du poète une intention satirique. Il y a simplement peinture des mœurs du temps. Ces mœurs sont dues, pour une grande part, à l’introduction des idées germaniques dans nos pays, lors de la chute de l’empire romain. Les coutumes barbares substituaient aux idées abstraites de crime et de châtiment les idées matérielles de dommage et de compensation. On s’accoutuma de plus en plus à croire que tout pouvait être matière à transaction pécuniaire. Dès l’époque mérovingienne, on

  1. Au texte cité dans la note relative à cette tirade, on en pourrait ajouter bien d’autres : Elias Cairel, Archiv, xxxv, 442 ; G. Figueira, Del preveire major, coupl. i ; G. Riquier, Karitatz, coupl. vii ; Besant, vv. 835-9 ; J. de Garlande, Hist. litt. XXII, 82, etc.