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Alors son père se mit à le conjurer de chasser ces visions enchanteresses. Il l’implorait par des paroles douces au nom du Seigneur qui était un amoureux jaloux, au nom du Seigneur qui était vaillant et qui mettait son amour dans le sein de l’homme vaillant.

Le fils le crut. Les jeûnes fréquents, l’abstention même du fruit du dattier chassaient les démons de ses yeux. Mais pas toujours. Les êtres mystérieux venaient vers lui dans les nuits sombres. Ils s’arrêtaient devant lui en étendant leurs mains… Et parfois, au milieu du jour, lorsqu’il sculptait des couches tombales pour son père et pour lui-même dans les gisements durs de coquillages où les siècles passés avaient déposé les débris des arbres et des plantes pétrifiés, les mêmes visions voilées surgissaient parmi les murmures délicieux, les odeurs des fleurs, le silence immobile et le souffle doux du vent. Alors il redoublait ses efforts, il apportait de loin des blocs énormes et en entourait l’oasis. Il travaillait ainsi longtemps et avec obstination, jusqu’à ce qu’il en tombât évanoui.


Le soleil monta haut dans le ciel et jeta un regard dans la grotte. Dioclès dormait, les yeux et la bouche ouverts. Il dormait son sommeil éternel. Quelques jours après, comme il ne donnait aucun signe de vie, son fils le porta dans son tombeau en pierre au sommet des rochers, l’y déposa soigneusement et ferma le sépulcre d’un bloc en grès taillé.

Dès lors il fut seul au désert.

Son cœur fut rempli de regret sacré et son âme s’attacha pour toujours au tombeau sur la hauteur rocheuse. Une force mystérieuse, profonde et inconnue, l’attirait vers ces rocs élevés, comme un morceau d’ambre attire une brindille de paille. Il y allait tous les soirs et à la pointe du jour, y restait assis pensif et plein d’une émotion qui ne s’affaiblissait jamais. Mais, pendant le jour, quand il se mettait au travail, des excitations inquiètes s’emparaient de lui et des passions folles l’emportaient. L’espace sur lequel son regard tombait lui soufflait le désir de marcher, de marcher loin, du côté où allait son père. Alors son âme jeune tressaillait et bouillonnait jusqu’au fond, ainsi que la mer grise, folle et terrible, lorsque les vents du nord et ceux du midi se ruent contre elle.

Et quand le ciel s’assombrissait et que le soleil, ayant perdu