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en quête d’un maçon. Il fit les nettoyages lui-même, ayant emprunté une brouette au propriétaire, qui se crut obligé de s’offrir à l’aider, mais Branchu refusa ; et il vint lui-même avec sa brouette et débarrassa les deux pièces de tout ce qu’elles contenaient, qu’il charria jusqu’au ravin.

Le lendemain, le maçon arrivait, et la première chose qu’il fit fut de passer les murs au lait de chaux, à l’intérieur comme À l’extérieur. On ne s’y reconnaissait déjà plus. L’espèce de barre de crasse qui régnait à hauteur d’appui tout autour de la chambre qui servait d’atelier disparut, elle-même, à la seconde couche, et les taches furent cachées, et cette poussière collante qui avait pris sur les moindres saillies.

Ce fut soudain beau blanc partout, comme une crème, avec un air de propreté qui vous donnait appétit, et le soleil venant dessus, cela projetait un reflet jusque dans les chambres des maisons voisines.

Cependant le maçon avait commencé de peindre la porte, quand il eut fini, Branchu lui fit recouvrir le plancher de terre battue d’un revêtement de ciment.

Il ne resta alors que les plafonds, qu’on passa également en peinture, et on les peignit en bleu-ciel.

Mais la merveille des merveilles fut, quelques jours après, un samedi soir que tout le village était venu voir où on en était des réparations : au-dessus de la porte, une belle enseigne pas encore sèche était accrochée, où on lisait en lettres jaunes sur fond bleu :

BRANCHU CORDONNIER A FAÇON

À gauche, en guise d’ornement, il y avait une bottine de dame à tige rouge ; à droite, une botte d’homme en cuir noir, qui se tenait toute raide, comme s’il y avait eu une forme de bois dedans.

On admira beaucoup l’enseigne, jamais on n’en avait vu une si belle dans le pays. Branchu devait l’avoir peinte lui-même, et sans doute en cachette, car personne ne l’avait vu y travailler. Sûrement qu’il voulait vous faire la surprise ! Quel drôle d’homme c’était ! et d’où est-ce qu’il avait tant d’argent ?

On discutait là-dessus quand justement il se montra, venant de l’auberge sans doute, parce qu’il y logeait toujours, et c’é-