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MERCURE DE FRANCE—VII-1900

est là chez lui comme un grillon. L’hiver il a chaud près des cendres. L’été il lui arrive de l’air par le trou du toit. Son lit est une claie d’osier liée solidement à d’anciens bâtons de chaises. On a jeté dessus un paillasson de bruyères et un drap… le même depuis un an. Très avisé, le petit secoue ce drap tous les matins durant que sa mère fait bouillir leur soupe, parce qu’il a remarqué que les puces n’aiment pas la flamme, et toute la vermine se brûle ou se noie dans la marmite.

Mais, cette nuit de juin, ce ne sont pas non plus les puces qui l’ont réveillé. Il a deviné quelqu’un marchant par là-bas, sans faire aucun bruit. Le vent s’est peut-être échappé de l’écurie de Dieu ? Ou bien il y a une fouine ? Ou bien un rat, un de ces gros rats des champs, brun, fourré, avec une queue lisse, en serpent ? Non, personne…

Et le garçon s’avance un peu sur les paumes, sur les genoux, baisse encore la tête, lève la croupe. D’un bond, s’il le faut, il sera debout au milieu de la chambre avec la seule détente, en ressort, de ses deux jarrets repliés. Il sait que la nuit on ne se promène pas à la manière du jour. Le jour les bêtes sont ce qu’elles veulent, mais la nuit elles font ce qu’elles peuvent, et quand les oiseaux ont fermé les yeux, d’autres animaux inconnus leur prennent leurs ailes et vont par bonds extraordinaires, rasant le sol. Il sait cela et d’autres choses encore, ce petit de dix années qu’on laisse traîner sans devoir autour de la maison, n’y rentrant que pour dormir et mangeant n’importe où des sauvageries qui lui font souvent saigner la lèvre.

On n’entend rien ; seulement, vers la palissade en genêts défendant le jardin, — des choux, des raves et un beau plant d’oignons, — la terre a crié ! La