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ter à déjeuner, je vous rapporterai des preuves de mes explorations, spécimens et tout le reste, et vous serez plus que convaincu ; si vous voulez m’excuser de vous laisser seul un moment.

Je consentis, comprenant alors à peine toute la portée de ses paroles, et avec un signe de tête amical, il s’en alla par le corridor. J’entendis la porte du laboratoire se refermer, m’installai dans un fauteuil et entrepris la lecture d’un quotidien. Qu’allait-il faire avant l’heure du déjeuner ? Puis tout à coup, un nom dans une annonce me rappela que j’avais promis à Richardson, l’éditeur, un rendez-vous. Je me levai pour aller prévenir mon ami.

Au moment où j’avais la main sur la poignée de la porte, j’entendis une exclamation bizarrement inachevée, un cliquetis, et un coup sourd. Une rafale d’air tourbillonna autour de moi, comme je poussais la porte, et de l’intérieur vint un bruit de verre cassé tombant sur le plancher. Mon voyageur n’était pas là. Il me sembla pendant un moment apercevoir une forme fantomale et indistincte, assise dans une masse tourbillonnante, noire et jaune — une forme si transparente que la table derrière elle avec ses feuilles de dessins était absolument distincte ; mais cette fantasmagorie s’évanouit pendant que je me frottais les yeux. La Machine aussi était partie. À part un reste de poussière en mouvement, l’autre extrémité du laboratoire était vide. Un panneau du châssis vitré venait apparemment d’être renversé.

Je fus pris d’une terreur irraisonnée. Je sentais que quelque chose d’étrange s’était passé, et je ne pouvais pour l’instant distinguer quelle sorte de chose étrange c’était. Tandis que je restais là, inter-