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une autre. J’avais donc à me défendre contre leurs doigts essayant avec persistance de m’arracher les leviers et de trouver en tâtonnant l’endroit où ils s’adaptaient. En fait, ils parvinrent presque à m’en arracher un. Mais quand je le sentis me glisser des mains je n’eus, pour le ravoir, qu’à donner un coup de tête dans l’obscurité — j’entendis résonner le crâne du Morlock. Ce dernier effort était, pensais-je, plus sérieux que la lutte dans la forêt.

« Mais enfin, le levier fut fixé et mis au cran de marche. Les mains qui m’avaient saisi se détachèrent de moi. Les ténèbres se dissipèrent et je me retrouvai dans la même lumière grise et le même tumulte que j’ai déjà décrits.


XIV

L’ULTIME VISION


« Je vous ai déjà dit quelles sensations nauséeuses et confuses donne un voyage dans le Temps ; et cette fois j’étais mal assis sur la selle, tout de côté et d’une façon peu stable. Pendant un temps indéfini, je me cramponnai à la Machine qui oscillait et vibrait, sans me soucier de savoir où j’allais, et, quand je me décidai à regarder les cadrans, je fus stupéfait de voir où j’étais arrivé. L’un des cadrans marque les jours ; un autre, les milliers de jours, un troisième les millions de jours, et le dernier les centaines de millions de jours. Au lieu d’avoir placé les leviers sur la marche arrière, je les avais mis sur la marche avant, et quand je jetai les yeux sur les indicateurs, je vis que l’aiguille des mille tournait — vers le