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« Elle voulait en prendre et jouer avec ; je crois qu’elle se serait jetée dedans si je ne l’avais pas retenue. Mais je l’enlevai dans mes bras et, en dépit de sa résistance, m’enfonçai hardiment, droit devant moi, dans la forêt. Jusqu’à une certaine distance la flamme éclaira mon chemin. En me retournant, je pus voir, à travers la multitude des troncs, que de mon tas de brindilles la flamme s’étendait à quelques broussailles adjacentes et qu’une courbe de feu s’avançait dans les herbes de la colline. À cette vue, j’éclatai de rire, et, me retournant du côté des arbres obscurs, je me remis en marche. Il faisait très sombre et Weena se cramponnait à moi convulsivement ; mais comme mes yeux s’accoutumaient à l’obscurité, il faisait encore suffisamment clair pour que je pusse éviter les troncs. Au-dessus de moi tout était noir, excepté çà et là où une trouée de ciel bleu lointain brillait sur nous. Je n’allumai pas d’allumettes parce que mes mains n’étaient pas libres. Sur mon bras gauche, je portais ma petite amie, et dans la main droite j’avais ma barre de fer.

« Pendant un certain temps, je n’entendis autre chose que les craquements des branches sous mes pieds, le frémissement de la brise dans les arbres, ma propre respiration et les pulsations du sang à mes oreilles. Puis il me sembla percevoir une infinité de petits bruits autour de moi. Farouchement je hâtai le pas. Les petits bruits répétés devinrent plus distincts, et je perçus clairement les sons et les voix bizarres que j’avais entendus déjà dans le monde souterrain. Ce devaient être évidemment les Morlocks qui m’enveloppaient peu à peu. Et de fait, une minute après, je sentis un tiraillement