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« Donc, la masse dans une main et menant Weena par l’autre, je sortis de cette galerie et entrai dans une plus grande encore, qui, à première vue, me rappela une chapelle militaire tendue de drapeaux en loques. Je reconnus bientôt les haillons brunis et carbonisés qui pendaient de tous côtés comme étant les vestiges délabrés de livres. Depuis longtemps ils étaient tombés en lambeaux et toute semblance d’impression avait disparu. Mais il y avait ici et là des cartonnages gauchis et des fermoirs de métal brisés qui en disaient assez long. Si j’avais été littérateur, j’aurais pu, peut-être, moraliser sur la futilité de toute ambition. Mais la chose qui me frappa le plus vivement et le plus fortement, fut l’énorme dépense de travail inutile que témoignait cette sombre solitude de papier pourri. Je dois avouer qu’à ce moment je pensais surtout aux Philosophical Transactions et à mes dix-sept brochures sur des questions d’optique.

« Montant alors un large escalier, nous arrivâmes à ce qui dut être autrefois une galerie de Chimie Technique. Et j’espérai vivement faire là d’utiles découvertes. Sauf à une extrémité où le toit s’était affaissé, cette galerie était bien conservée. J’allai avec empressement vers celles des cases qui étaient restées entières. Et enfin dans une des cases hermétiques, je trouvai une boîte d’allumettes. Précipitamment j’en essayai une. Elles étaient parfaitement bonnes, même pas humides. Je me tournai vers Weena : « Danse ! » lui criai-je dans sa propre langue. Car maintenant, j’avais une arme véritable contre les horribles créatures que nous redoutions. Aussi, dans ce musée abandonné, sur l’épais et doux tapis de poussière, à la grande joie