Page:Mercure de France - 1898 - Tome 28.djvu/617

Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’entre eux, qui étaient venus s’asseoir aussi près de moi qu’ils avaient pu, m’observaient avec intérêt, les yeux brillants de plaisir, en mangeant leurs fruits. Tous étaient vêtus de la même étoffe soyeuse, douce et cependant solide.

« Les fruits d’ailleurs composaient exclusivement leur nourriture. Ces gens d’un si lointain avenir étaient de stricts végétariens, et tant que je fus avec eux, malgré mes envies de viande, il me fallut, aussi être frugivore. À vrai dire, je m’aperçus peu après que les chevaux, le bétail, les moutons, les chiens avaient rejoint l’ichtyosaure dans l’extinction des espèces. Mais les fruits étaient délicieux ; l’un d’eux en particulier, qui parut être de saison tant que je fus là, à la chair farineuse dans une gousse triangulaire, était remarquablement bon et j’en fis mon mets favori. Je fus d’abord assez embarrassé par ces fruits et ces fleurs étranges, mais plus tard je commençai à apprécier leur valeur.

« En voilà assez sur ce dîner frugal. Aussitôt que je fus un peu restauré, je me décidai à tenter résolument d’apprendre tout ce que je pourrais du langage de mes nouveaux compagnons. C’était évidemment la première chose à faire. Les fruits même du repas me semblèrent convenir parfaitement pour une entrée en matière, et j’en pris un que j’élevai, en essayant une série de sons et de gestes interrogatifs. J’éprouvai une difficulté considérable à faire comprendre mon intention. Tout d’abord mes efforts ne rencontrèrent que des regards d’ébahissement ou des rires inextinguibles, mais tout à coup une petite créature sembla saisir l’objet de ma mimique et répéta un nom. Ils durent babiller et s’expliquer fort longuement la chose entre eux, et mes premières tentatives d’imiter les sons exquis de leur doux langage parurent les amuser énormément, d’une façon dénuée de