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vent, il enchérit sur les éloges. Emma, pour lui donner des occasions plus fréquentes de la voir, veut faire le portrait d’Henriette, et pendant qu’elle posera elle prie Elton de faire la lecture. Le portrait terminé, il se charge de le porter à Londres pour y faire mettre une bordure. L’imagination d’Henriette commence à s’exalter ; mais une lettre du jeune Martin trouble toutes ses idées ; il l’aime et la demande en mariage : que faire ? Emma la décide à refuser ce parti, qui est véritablement avantageux.

Ce refus excite la colère de M. Knigthley, et elle redouble quand il entend Emma lui dire que Martin n’est pas l’égal d’Henriette. Non, s’écrie-t-il, il n’est pas son égal ; car il est autant son supérieur en jugement qu’il l’est en fortune. Au reste, si vous songez à Elton vous perdez vos peines.

Diverses circonstances nécessaires à lire dans l’ouvrage font naître chez Henriette un vif attachement pour Elton. Celui-ci, cependant, quoique la louant sans cesse devant Emma, ne s’explique point : elle en est très-impatientée. L’usage est en Angleterre de se rassembler pendant les fêtes de Noël. M. Jean Knigthley est venu de Londres avec sa femme, fille aînée de M. Woodhouse, et toute la famille est invitée à dîner chez M. Weston. Henriette, qui devait être du dîner, tombe malade, et n’est pas de la partie. M. Elton s’y trouve, se montre très-gai, au grand mécontentement d’Emma. Le retour se fait par un temps horrible ; la neige tombe ; les plus grandes frayeurs assiègent M. Woodhouse, et l’arrangement des places dans les voitures est tel que M. Elton, qui s’est beaucoup plus occupé du dîner que de la maladie d’Henriette, qu’on lui a destinée in petto, fait en route une déclaration d’amour si directe à Emma, qu’elle s’en offense, sur-tout d’après le ton méprisant qu’il prend en parlant de la protégée dont Emma prétend qu’il s’est montré très-amoureux. Il descend de voiture brouillé avec Emma lorsque l’on passe devant son presbytère, et la laisse livrée aux plus cruelles réflexions. Elle a fait le malheur de sa jeune amie, non pas, se dit-elle, en l’empêchant d’épouser Martin ; mais