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LA NOUVELLE EMMA.


(IIe et dernier article.)

Toute charmante qu’est Emma, elle est femme et jalouse ; cette passion lui met tout à coup dans l’esprit que si Jeanne n’a pas été en Irlande, c’est, assurément parce que M. Dixon étant sur-tout amoureux de la fortune de miss Campbell, aurait bien pu conserver son cœur pour les charmes de Jeanne. Dans le cours du roman cette idée se développe, acquiert pour Emma un nouveau degré de certitude ; car bientôt ce n’est plus une idée vague, elle le parierait, et d’autant plus que le très-franc M. Knightley lui dit un jour qu’elle n’aime pas Jeanne Fairfax, parce qu’elle voit en elle la jeune personne accomplie, qu’elle croit être elle-même. Nulle femme ne se résoud à pardonner une telle accusation. Emma n’est cependant pas injuste, car dans la première visite qu’elle lui fait, elle la trouve charmante, et se détermine à ne la plus haïr. Mais malheureusement cette jeune personne a une réserve qui touche à l’extrême froideur, et bientôt Emma, que cela mécontente, revient à ses premiers sentimens. Cette réserve est portée si loin, qu’il n’a pas été possible de savoir si M. Franck est bel homme, s’il est aimable en société, s’il y paraît instruit ; on sait cependant que Jeanne et Franck se sont vus aux eaux de Weymouth. Elle n’obtient à toutes ces questions que des réponses courtes et vagues, son humeur en redouble. Elle a pourtant su la dissimuler, car Knightley était présent à la visite, il est le protecteur déclaré de la belle Fairfax.

Depuis le lendemain de Noël, Elton s’était absenté de Highbury ; on apprend tout à coup qu’il va se marier à Bath, et comme c’est Mlle Bates qui apporte cette nouvelle, le récit n’en est pas court. Cette conversation fatigue Emma dont les pensées se portent sur Henriette, victime des belles combinaisons d’Emma.

En effet les peines d’Henriette sont vives et longues,