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MERCVRE DE FRANCE–iC-xn-t 908 5~8 doctrinal contre l’enseignement universitaire, que seuls des catholiques aient prétendu constater dans l’enseignement uni- versitaire une orientation dogmatique, étroitement, impé- rieusement déterminée et enveloppant le champ tout entier des idées et des connaissances. La même constatation a été faite par des philosophes, des penseurs, des littérateurs incré- dules dont on peut dire qu’ils sont parmi les premiers du siècle passé, puisqu’ils s’appellent par exemple Auguste Comte, Sainte-Beuve, Taine, Renan. Eux aussi ont signalé l’existence et le règne de dogmes universitaires, d’une orthodoxie uni- versitaire, d’une empreinte universitaire des idées et des esprits. Et il leur est arrivé de parler de ces objets avec une antipathie qui, pour ne s’inspirer que des lumières et des intérêts de la raison naturelle, n’était pas moins prononcée, moins radicale en son genre que celle des catholiques. Seule- ment leurs observations et leurs censures sur ce point sont éparses dans des livres ou des traités qui n’ont pas pour objet propre la question de l’enseignement public. Elles gardent un caractère spéc~atif et ne prennent pas la forme d’un réquisi- toire, durie attaque contre l’institution universitaire elle-même, soit parce que ces esprits ne rattachaient pas les~aberrations doctrinales de l’Université à la nature et aux fatalités de sa constitution, soit parce qu’ils aimaient la paix, soit enfin parce qu’il n’est pas sensé de diriger une polémique destructive contre un établissement chargé de quelque fonction sociale nécessaire et qu’on ne conçoit pas les moyens, du moins immé- diats, de remplacer par une organisation meilleure. L’Eglise, au contraire, pouvait en bonne logique s’attaquer soit au mono- pole, soit à l’existence même de l’Université, puisqu’elle possède dans ses réguliers et ses séculiers un personnel enseignant toujours disponible, et que la distribution des connaissances profanes est, sinon une des missions essentielles qu’elle s’attri- bue, du moins une des aspirations dont elle se glorifie. Voilà pourquoi les campagnes anti-universitaires fameuses du xixe siècle ont toujours eu le caractère catholique, ecclé- siastique et, si l’on veut ainsi parler, clérical. Voilà pourquoi il a été facile à certains d’accréditer que l’enseignement univer- sitaire n’avait et n’aurait jamais contre lui que l’Eglise et le cléricalisme. Les critiques des philosophes, qui au surplus peuvent coïncider sur des points aussi nombreux qu’essentiels,