Page:Mercure de France, t. 76, n° 274, 16 novembre 1908.djvu/99

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MES FOUS nis autour d’ elle tous ceux qui avaient entendu son rire heu­ reux, je voulus la lui donner, comme un bouquet" d ’intimités. Libéré du bruissement des robes et du déploiement parfumé des grâces verbales,je demeurerais l’écouteur de la rumeur de fête. L’ enfant me découvrit fumant une cigarette dans le fau­ teuil du cabinet de travail. Un cri, un cri strident, une tom­ bée d’ effroi. Marthe me pétrissait le visage d’ongles de ténèbres, de démence,et sauvagement s’ élançait hors de la pièce. Echeve- lée, la robe déchirée, elle vint s’écrouler sur les genoux de la bonne Dame. Dressés,les invités m’interrogeaient. « Ne me touchez pas, ne me touchez pas ! » clamait-elle, le corps secoué de frissons. Mon approche l ’affolait. Je me laissai entraîner, un froid dans les vertèbres. A mon retour elle avait disparu avec la consolatrice. Les quelques hommes restés opposèrent à mon angoisse un froid mépris. Le lendemain, mandé chez le procureur de la Répu­ blique,je retrouvai enfin ma pauvre enfant. Debout, immobile,Marthe parlait. Le crime, le sang, la mort plutôt que la boue noire de ses yeux, l’éclat des mots sur ses lèvres glacées ! Les mains aux tempes j ’ entendais : « Erotomane, vieillard libidineux, corps dénudé, livres sadiques ! » Marthe demandait grâce pour ne plus subir les caresses révoltantes, les tortures sanglantes. Terrorisée, elle avait revêtu les travestis des opérettes, mimé toutes les amoureuses. Tour à tour une madone aux doulou­ reux voiles, une Salomé obscure. Mon regard sur le sien appuyé n ’arrêtait pas l’horrible jaillissement. Un souffle d’épouvante hérissait ma chair. J’ouvris la bouche, je tournoyai, je tombai comme une masse. Longtemps j ’ai crié avec tout ce qui me restait de volonté, , de force, de vie.’ Mon cri, un râle, le sinistre bris de mon cerveau. Je crus demeurer le vieillard dont le corps tremble sur la