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MERCVRE DE FRANCE— i 6-xi -i 908 V Comment reviendrez-vous plus tard dans ma mémoire, Heures de ma jeunesse ardente? 0 vous, Amours, Frères de mes labeurs comme de mes victoires, Quel sera notre accueil à vos derniers retours? Dans ma vieillesse laide et pauvre et solitaire, Que dirai-je en te regardant, ô mon passé, Quand je confronterai ta fa ce et le mystère Dont m’avoisinera le sépulcral fossé ? En rapprochant encore une fois’nos étreintes, Mon Souvenir, nous sentirons-nous presque morts, Si cet entretien cherche à susciter les plaintes Des obscures Pitiés ou des pâles Remords? Hélas! j e méconnais tellement mon enfance Que ma sénilité peut-être ainsi verra S ’ensevelir dans une brume de démence Les heures qu’aujourd’hui pressent sifo r t mes bras. A h! moi qui saurais bien hors de tout vain blasphème Accepter le néant probable des Enfers, Je ne voudrais mourir sans un instant suprême Où se refleuriraient tous mes désirs soufferts. Oui, revenez au seuil de ma maison déserte, Quand on m1emportera loin d’elle pour toujours, En un dernier baiser revenez vers moi, certes, Avec tous nos orgueils, ô mes jeunes Amours; Et recueillez alors par des gestes de gnose Mon sang, indifférent à Vimmortalité Et jalo u x seulement, comme le sang des roses, D’être le sang d’un cœur ayant tant palpité.