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MERCVRE DE FRANCE— j 6- x i - 1908 IRREPARABLE TEMPUS I Mourir... Avoir vécu, ne sera-ce qu’un rêve ? S’être accru par l’ardeur de comprendre et d’aimer, Avoir eu sous ses yeux, implacables ou brèves, Tant d’images du Beau quon ne peut blasphémer, Avoir pris dans ses mains combien de mains de femmes, Avoir été sacré par des baisers d’amis, Avoir va s’écroulèr de f e r s couchants de flammes Sur les cités de fièvre et les lacs accalmis, Etre souvent allé rechercher les étoiles Dans les sentiers déserts et les hautains sommets, Avoir tremblé d’orgueil en d’épaisses rafales Jusqu’à croire au divin parfois lorsqu’on aimait, Tout cela, tout cela paraît si doux, si triste Quand on marche déjà d’un pas lent de vieillard, Qu’on te bénit, ô Vie étrange où tout existe, Et que, sans espérer des destins qui persistent, On demande à la mort de s’attarder, le soir/ II Saturé des repos et des languides rêves, Le malade convalescent Souhaite étreindre enfin (fût-ce en une heure brève) L’ivresse de vivre puissant; Et moi, j e t’abandonne, Ôdélice du Verbe, Somnolence de méditer; ■Carj e veux que ma chair désormais s’exacerbe Dans l’angoisse des voluptésI .