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LES DÉBUTS POLITIQUES DE LAMARTINE a5i poète en quarante-huit, lorsqu’il s ’empara du pouvoir à la faveur de la confusion, pour éviter, sans doute, qu’ elle n ’em­ pirât. M. de Lamartine ouvrant sa redingote au feu d’un insurgé, qui, soi-disant, le vise avec attention, voilà un beau geste, quoique débraillé. Mais c’est un geste prémédité de­ puis dix-huit ans. L ’élection de Louis-Phïlippe à la royauté l’ empêchait en effet d’ adhérer sans réserve au régime. Ce n’est pas que ses principes politiques fussent tellement rigoureux,’ ni même précis. Sans doute, il était légitimiste, mais constitutionnel, et en tout l’ opposé d’un carliste. Il n’ a jamais dit, comme M de Chateaubriand, autre légitimiste, autre constitutionnel, que le gouvernement de. droit, après l’ abdication de Charles X et de son fils, était celui du duc de Bordeaux, avec la duchesse de Berry pour régente. Surtout, il ne voulait point, comme son illustre confrère, que cette régence eût pour ministère la je u ­ nesse des écoles, avec les conseils d’ un « vieux nautonnier », lequel eût étéM . de Chateaubriand lui-même. La démagogie lui paraissait hideuse. Il redoutait les aventures guerrières. D’ autre part, la secte doctrinaire lui était moins choquante par les idées que les personnes, et même Casimir Périer em­ porta son admiration. Rien, semble-t -il, ne l’écartait de la nouvelle monarchie. Mais il avait eu le malheur de déplaire à M. le duc d’Orléans, et ce malheur était rendu plus sensible par les fonctions que M. et Mme des Roys, ses grands-parents, avaient occupées jadis chez le feu duc, père du prince. À la vérité, c’ étaient des fonctions d’intendant et de sous-gouver­ nante tout à fait subalternes, puisqu’elles s’ exerçaient sous les Ducresl, frère et sœur ; mais la noblesse, alors, se conquérait à l’office plutôt qu’ au champ d’ honneur, et les Lamartine en tiraient vanité. Un méchant quatrain avait mérité cette disgrâce. Dans le Chant du sacre, composé à l ’ avènement de Charles.X, le poète mettait ces vers dans la bouche du roi : D’Orléans! Ce grand nom est couvert du pardon de mon frère ^ Le fils a racheté les crim es de son père ; Et comme les rejets d’un arbre encor fécond, Sept rameaux ont caché les blessures du tronc. Monseigneur tint ceci pour une injure, et il resta sur cette