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une part croissante du trafic des océans. Le fondement vrai du conflit éventuel — le voilà. L ’impérialisme fournit au militarisme, partout vivace, de triomphants arguments. Le parti militaire allemand s’ est dou­ blé d’un parti «mariniste»,si l’on peut s ’exprimer ainsi, qui rêve d’éprouver la valeur des jeunes escadres, et de manifester la force récemment acquise sur mer. Les fondateurs, les cham­ pions de la ligue navale ne sont point des pacifistes. Les offi­ ciers de marine, comme les chefs de l’ armée, assurent que la paix a trop duré,— qu’un grand Etat comme l’Allemagne n’y peut vivre indéfiniment, sans dépréciation pour l’idée militaire elle-même, et sans péril grave pour sa structure. Les jo urnau x qui reflètent leurs sentiments exploitent chaque incident, le grossissent avec art, pour le ramener à leur thèse courante du conflit nécessaire. Et le militarisme britannique, pour être plus contenu, plus discret, plus prudent, n ’exerce pas une action moins effec­ tive. Battu avec Chamberlain, avec l’ unionisme agressif, il re­ gagne aujourd’huidu terrain, caril estcaressé, choyé par la frac­ tion des libéraux qui dédaigne (es Petits Anglais et qui, avec Asquith et Edward Grev, se pique de professer un impéria­ lisme tempéré. Cette fraction, qui est nombreuse et puissante, qui a rallié la plupart des libéraux de marque, développe d’ au­ tant plus d’ efforts qu’elle se sent serrée de près par les paci­ fistes, dont Lloyd Georges, le chancelier de l’Echiquier, est le meilleur type représentatif. Elle détient une influence d’autant moins contestée qu’ elle s’ appuie sur une doctrine traditionnelle de la diplomatie du RoyauineU ni:— l ’Angleterre nedoit pas permettre à une nation de régenter le continent, — et qu’ ainsi eliepeut mettre d’accord les intérêts politiques du pays avec les intérêts économiques des grands industriels et des grands exportateurs. De même que la Grande-Bretagne a combattu de toutes ses forces la France, à l ’époqüe où celle-ci imposait sa suzeraineté à l’Espagne, au Portugal, aux Etats Italiens, à la Suisse, à la Prusse, à la Hollande, de même elle nourrit une profonde hostilité contre l’Allemagne, depuis le jou r où cette puis­ sance a acquis par les armes une sorte de prééminence, et a prétendu commander à l’Europe centrale. Si elle l’ a laissée opérer sans encombre son unification, si elle a permis à Bismarck L’ANTAGONISME ANGLO-ALLEMAND a43