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L ’ANTAGONISME ANGLO-ALLEMAND 34.1 ment d’antagonisme. Lorsqu’on reprend l ’histoire économi­ que de l ’Allemagne depuis 1871, et surtoutdepuis 1890, on ne peut point ne pas être frappé de la rapidité de ses progrès, du développement de sa production, de ses échanges, de son acti­ vité maritime : alors que la Grande-Bretagne chemine plus lentement,qu’ elle innove avec réserve, qu’ elle modifie sonoutil- lage avec prudence et discrétion, l ’Empire Germanique mul­ tiplie ses sociétés par actions, construit de toutes pièces des villes manufacturières, élargit ses ports, perce des canaux, achète un appareil mécanique incomparable. De 1870 à [890, le commerce Britannique a grandi de i 3 milliards et demi à 17 milliards et demi, soit de 3o 0/0, et de 1890 à rgo5, il est passé de 17 1/2 milliards à 24 1/2 milliards, s ’accroissant ainsi de 42 0/0. L a majoration, pour les quinze années, a atteint à 84o/ o.O r,d e 1870 à 1890, le commerce allemanda progressé de 6 milliards et demi à 9 milliards 4oo millions (49 0/0), et de 1890 à 1905, il a bondi de 9 milliards 4oo millions à 16. 200 millions (72 0/0 au total):de 1870à 1895, la majoration s ’ex­ prime par i 5o 0/0. Les exportations allemandes, distancées, en 1870, de 3. 4oo millions par celles de Royaume Uni, ne sont plus dépassées que de 1.800 millions. La rivalité est devenue si intense, et les difficultés de la con­ quête économique apparaissent telles désormais que l’éventua­ lité d’uneguerre, qui permettrait de ruiner l’ adversaire séduit de plus en plus les impérialistes des deux pays. Cette guerre, en détruisant la marine militaire et aussi la marine marchande de l’ennemi, ouvrirait un champ illimité, des débouchés infi­ nis à l ’activité individuelle et commerciale du vainqueur. P ar­ tout les grandes maisons de Berlin et de Londres, de Man­ chester et de Dusseldorf, d ’Elberfeld et Crefeld, de Sheffield et de Solingen, de Birmingham et de Leipzig, de Hambourg et de Liverpool, se rencontrent et se heurtent. La Hambourg Amerika Line et le Norddeutscher Lloyd, — dont chacun représente un tonnage triple ou quadruple du tonnage de la ligne anglaise Gunard— s’attachent à enlever à la Grande-Bre­ tagne le monopole des mers. La bataille économique est engagée sûr tout le front. Or, l’impérialisme et la politique mondiale (les deux expressions sont équivalentes, et correspondent aux mêmes tendances) sont d’ autant plus dangereux et agissants qu’ils signifient avant toutes choses la prédominance manu­