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338 MERCVRE DE FRANCE— 16-XI-1908 duction. Partout, avec ses progrès, a existé le cheminement des sociétés par actions; les agglomérations de capitaux, en cha­ que point du globe, n’ ont pu se constituer que par des apports internationaux. Il n’ est plus un seul pays qui se targue d’avoir suffi, par ses propres ressources, aux exigences de ses manufac­ tures, de sa marine, de ses chemins de fer. De même que les Allemands s’intéressentaujourd’hui à nos exploitations miniè­ res d’Algérie,, les Français ont placé leur argent dans les forges de Silésie et les charbonnages de W estphalie. De même que les Anglais participent aux revenus de certaines de nos banques, les Parisiens, les Lyonnais et les Bordelais perçoivent une part des dividendes de leurs gisements aurifères et diamantifères. Et les dettes publiques ne sont pas plus nationalisées aujour­ d’ hui que les fonds de roulement des entreprises privées. A bien raisonner, les Berlinois, — qui détiennent des Consolidés anglais, — ne doivent pas rester plus indifférents que le Chan­ celier de PEchiquier à la bonne gestion des finances britanniques et cette thèse peut se justifier indéfiniment, quelque pays qu’on envisage. Voilà pourquoi un conflit anglo-allemand serait une cala­ mité dans l’univers : pour les travailleurs dont le labeur ris­ querait d’être suspendu, — pour les capitalistes qui subi­ raient— bien que plus capables de les soutenir— les incidences variées de la raréfaction des échanges. Aucune guerre ne pourrait même provoquer un tel désastre, — parce que l’A n­ gleterre et l’Allemagne sont, à l ’heure actuelle, les deux puis­ sances dominatrices du marché international,— celles dont les rapports d’échange sont les plus amples, et le rôle économi­ que le plus accentué. Leurs commerces additionnés donnent,à coup sûr,des som­ mes plus élevées que les trafics de tous les Etats Européens totalisés à l’époque de Napoléon Ier. On ne citerait pas un pays avec lequel l’ un ou l’autre de ces belligérants éventuels n’en­ tretienne un abondant mouvement d’achats et de ventes. Que les mers soient fermées, par les escadres britanniques, aux navires marchands de l’Allemagne,les éleveurs de chevaux de l’Argentine et les propriétaires des mines suédoises, les viti­ culteurs d’Espagne, et les planteurs de café du Brésil, les exportateurs de coton des Florides, et les producteurs de nitre du Chili perdent soudain une clientèle lucrative. Les