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MERCVRE DE FRANCE— 16 jîi-x908 détachait de la Triplice l ’ Italie, de plus en plus hésitante, et que le triomphe de la Révolution ottomane soustrayait, dans une large mesure, la Porte à l’influence de Berlin. Si Edouard VII voyage sans cesse, conférant avec le Président de la République française, avec le roi d’Espagne avec le Tzar, avec François-Joseph d’Autriche lui-même, c’ est qu’il poursuit un dessein — visible d’ailleurs ou tout au moins assez clair, — celui de renouer contre l ’Empire des Hohenzollern un de ces pactesqui ont finijadis par triompher de l’Empire Napoléonien, après d’innombrables batailleset de multiples péripéties. L ’A l­ lemagne commettrait donc une folie, un véritable crime contre elle-même, si elle ne surveillait pas toutes ces manœuvres, tous ces déplacements,toutes ces négociations d’ un souverain, dont l’activité et l’habileté politique sont légendaires. — Sans doute, un certain courant pacifiste s ’est dessiné chez les libéraux, depuis qu’ils sont au pouvoir à Londres,et ils se sont attachés à faire croire qu’ ils réduisaient les armements ; mais il n’y a là qu’un piège grossier, où les Allemands ne tomberont pas. Que le conflit éclate,ils entendent être prêts sur mer commesur terre. Ils le sont trop, ripostent les Anglais, et si l’Allemagne ne projetait pas une agression contre le Royaume-Uni, elle ne renforcerait pas ainsi ses armements à coups de centaines de millions de marks. Or, ces armements mêmes sont, à n’ en pas douter, un des éléments les plus symptômatiques de l’ acuité de la crise; et les compatriotes d ’Edouard VU dénoncent en eux la cause le plus immédiate du conflit. Le fait est que les dépenses navales de l’Empire Germanique, après s’être formidablement élevées depuis l’année 1900 j u s ­ qu’en 1904, ont encore augmenté contre toute mesure, depuis ig o 5. Il y a quatre ans, elles se chiffraient par 272 millions de francs; et cette année-ci, les prévisions, qui seront encore dépassées, atteignaient à 44o millions. Lorsqu’ on analyse ces totaux, on s’ aperçoit que les crédits ordinaires se sont accrus dans la même proportion que les extraordinaires, et que Guil­ laume II s’attache, avec un acharnement sans égal, à se doter de fortes escadres. Contre quelle puissance, sinon l’Angleterre? Méfiance de partet d’autre ; conviction absolue dechaque côté que l’adversaire guette une défaillance ; comment ne serait-on pas en droit, en ces conditions, de parler de conflit prochain ou imminent ? Un tel conflit revêtirait l’aspect d ’une catastrophe