Page:Mercure de France, t. 76, n° 274, 16 novembre 1908.djvu/47

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guerre est, dit Georges Lecomte, « admirablement harmonieuse ». Seulement, ceux qui vécurent ces heures d’enivrant réconfort, d’activité sereine et de travail joyeux. « n’en virent, guère au moment l’importance et la beauté ». Ce n’est qu’aujourd’hui, avec le recul du temps, que les témoins de ces années fiévreuses commencent à comprendre la grandeur de l’effort accompli par tant d’artisans passionnés de ce labeur. Le temps a calmé les haines, pacifié les esprits ; et le moment est venu de faire le récit de cette résurrection. De là l’Espoir, ce livre bouillonnant de sève, où l’auteur des Valets a merveilleusement exprimé, dans toutes les manifestations de son génie et de son commerce, de ses arts et de ses lettres, ce réveil d’un peuple. Telles pages de ce roman, et notamment celles où l’auteur décrit, après le départ de l’armée allemande, l’arrivée dans Troyes des soldats français, sont vraiment toutes secouées de cette fièvre d’espérance que durent connaître alors les vaincus de Sedan et les captifs de Metz. Ainsi un effort, un vaste, noble et nécessaire effort fut tenté alors. Les résultats en furent grands et féconds. Mais l’espoir de l’homme ne luit que par éclairs ; l’épaisse nuit reprend ses droits à toute heure et succède avec une intensité sans cesse accrue aux fulgurantes lueurs qui jaillissent des saccades de lumière et de justice. M. Anatole France vient de démontrer, dans son nouveau et tout récent livre, combien cette nuit était permanente et ces lueurs peu vives. M. Georges Lecomte, qui a fait les Valets, ce terrible et beau livre, n’en est pas à l’apprendre. Aussi n’en a-t-il qu’un mérite plus grand à vouloir nous conduire quand même, malgré lui, malgré nous et malgré les hommes, vers ce torrent d’universel amour, d’éternelle vie, où Zola, dans Travail, fait aboutir Luc. Son œuvre, déjà si complexe et si neuve, acquiert d’une telle croyance et d’un tel courage, indépendamment du prix littéraire, une portée humaine plus vaste et plus retentissante.


edmond pilon.