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36a MERCVRE DE FRANCE— 16-X1-1908 II se trouve, en effet, que pas un écrivain et poète russe de talent n’est passé sous silence par ta critique allemande; plusieurs d’entre eux sont même traduits plusieurs fois. A commencer par Léon Tolstoyet à finir par Alexandre Blok (jeune poète), « On ne voit rien de semblable — finit l’or­ gane ci-dessus — en Russie par rapport à notre littérature allemande. On n’y connaît de nos écrivains contemporains que trois ou quatre noms glo­ rieux; le reste n’est pour le lecteur russe qu’un son vide. y> Cette situation nouvelle de la littérature russe sur le marché uni­ versel écarte tous les vieux arguments d’un caractère aussi bien moral que matériel que nos contradicteurs puisaient toujours dans la fai­ blesse de la propagation des œuvres des auteurs russes en comparai­ son de celle des œuvres étrangères en Russie. ^

J’aborde le second point : monopole, cherté du livre, etc. Cet argum ent serait plus sérieux, s’ il était juste. Mais, en théorie, il est plein de sophismes et., en pratique, il est fa u x . Le monopole ne peotpas être le résultat de la Convention pourlaraison fort simple que ce q u ’on appelle monopole existe déjà à présent et se développe de plus eu plussouseten dehors d elà Convention : Maeterlinck, Mirbeau, Gorky, Andreieff. Sudermann,etc., s’arrangent, grâceau système que j ’ai indiqué tout à l’heure, de sorte que sans et en dehors de la Con­ vention ils vendent le droit ex c lu sif de traduction à tel ou tel autre traducteur et éditeur, et ce phénomène anarchique se développera, sans la Convention, de plus en plus, taut qu’il n’aura pas provoqué le dégoût profond et complet mêmechez les plusacharnés adversaires de la Convention, constituant du moins un régulateur légalement organisé des rapports littéraires internationaux. Dans ce mouvement anarchi­ que, hors desdéfenses de par la Convention, entreront aussi lesrevues, comme y sont entrés les Almanachs qui donnent des traductions d’après manuscrit. Les éditeurs de livres et ceux de revues ont déjà et auront toujours leurs propres traducteurs. Et dans ce domaine aussi auront lieu, comme ils ont d’ailleurs d’ores et déjà lieu, différents changements et transpositions de forces, comme cela se passe dans tous les domaines de l ’activité humaine lors de nouvelles conditions — juridiques et autres — de réalisation et de matérialisation du tra­ vail humain. Or, il est en général plus rationnel d’introduire le régim e conventionnel, c ’est-à -dire l’ordre et la loi aussi dans cette branche, où règne, à l ’heure qu’il est, une anarchie complète. Dans les premiers temps qui suivront la conclusion de la Conven­ tion, quelques perturbations se produiront peut-être dans les rap­ ports entre traducteurs, auteurs et éditeurs. Mais elles seront encore moins considérables que l ’on pourrait penser, car ces rapports « futurs » s ’établissent déjà. Et dans ce domaine aussi la vie devance la loi écrite.