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REVUE DE LÀ QUINZAINE 353 ne se fourvoie point ici dans la politique et sait demeurer littéraire. II est dans son rôle de journaliste : il renseigne ; mais il n’oublie pas les exigences de l’art et du goût : il sourit. Ainsi nous supportons plus allègrement ce que son ironie cache d ’amer et de presque volon­ tairement pessimiste. II excelle à dire au x femmes la dure vérité tout en se défendant de la dire ; il est psychologue et il a de l ’esprit. De plus il cherche consciencieusement à voir la vie telle q u’elle est. Seu­ lement est-il bien vrai que Porto soit demeuré si provincialement tra­ ditionnel, idyllique et ennemi du faux luxe, quand on nous montre une Lisbonne si éprise de clinquant qu ’elle en préfère se priver chez elle du plus élémentaire co nfort?Sou s ce rapport,on est certainement en avance sur nous, aux rives ensoleillées du Tage. C ’est que Lis-1 bonne est pauvre et veut paraître opulente. Mais, comme Paris, ne ferait-elle pas étalage de sa corruption même, en haine du Philistin ? Et puis cela permet si bien la satire en un pays où, dans le cœur de chaque Properce, sommeille un Juvènal. Et si ce Juvénal en herbe ne se hausse qu’à la hauteur d’un Paul- Louis Courier, pourquoi nous en plaindre ? Tout le monde n ’est pas GomesLeal ou Guerra Junqueiro, etl’ironie d’un Eça ou d’un Camillo a bien également son prix. C ’est pourquoi le pamphlet à travers lequel Alvaro d’Oliveira s’évertue à définir ce qu’est la Corja por­ tugaise (la canaille) ne nous a point déplu. Nous partageons vcdon- tiers sa haine des modernes vilenies ; m ais, parmi les vieux systèmes de culture humaine, en est-il encore un qui puisse nous fournir le remède im médiat? J’en doute. Honnêteté, amour, v ertu! Qui viendra persuader l ’homme actuel qu’ il y va de son bonheur d’être généreux et juste ? Nous retournerons-nous, avec l ’auteur des Partis qui se subdivisent, vers un idéal d’améliorations politiques, en dehors des ambitions de coteries? Les programmes n ’ont de raison d ’être que le désir perpétuellement inassouvi de figurer à l ’assiette au beurre, on le sait; mais, encore une fois, comment réform er l ’homme ? — « Lavons le corps social des vices qui le souillent ou nous allons tomber au niveau du Maroc ! » s’écrie le pamphlétaire. Et il a rai­ son. Mais c ’est toute une éducation à tenter en conformité des tem­ péraments, et cette éducation ’prendra longtemps. En attendant, il convient que le Portugal ne se départisse pas d’ une vertu qu’ il a dans le san g : la patience. Sa gloire, au surplus, est non pas uniquement dans le colossal effort des grandes découvertes maritimes, mais su r­ tout dans son art et dans sa pensée. A cet égard, les revendications esthétiques d ’un José de Figueiredo ont peut-être une meilleure portée pour réintégrer l ’élite en sa fonc­ tion propre, qui est de faire progresser le sentiment national. Q u el­ ques paroles sur l’Evolution de l’Art en Portugal documentent de façon précise la tendance à la nationalisation pro- 23