REVUE DE LA QUINZAINE 345 ejusdem fa r in a e . Mais, au dernier tableau, cette apogée du drame, voici ce qui se passe : M. Van Dyck-Siegfried, peu désireux de faire le mort pendant 35 minutes, est remplacé par un figurant qui ne lui ressemble pas assez pour qu’on puisse montrer sa figure, ce qui né cessite l’entrée du brancard à l’envers et l’ exposition corrélative du cadavre; là-dessus, M . Delmas-Hagen tue Gunther et M. Gilly, celui-ci,qui n’a pas plus envie de rester là que M. Van Dyck d’y être, s’en va tomber au pied de l ’escalier qui conduit chez Gutrune, près des coulisses favorables à un escamotage subreptice, si bien qu’il n’y a plus personne quand Gutrune doit « tomber sur le corps de Gun ther et demeurer ainsi jusqu’à la fin de l ’acte », aussi la pauvre en fant, Mlle Féart, soutenue par ses femmes, en profite-t-elle pour g r a vir le susdit escalier et s ’éclipser dans ses appartements. Enfin, Brunnhilde ordonne qu’on dresse le bûcher et, pour dissimuler l ’opé ration vulgaire, tout le monde s’éloigne aussitôt, se groupe dans le fond en tournant un dos unanime à Mlle Grandjean, à l ’instar de Hagen dans son coin. De sorte que l ’infortunée W alkyrie, dépour vue d’auditeurs autant que d’interlocuteurs, est bien forcée de s’adres ser au public par-dessus le trou du souffleur pour déclamer sa plainte et son oracle. Le spectacle est des plus pénibles, et — (en un tel moment!) — frise le ridicule. De semblabJes négligences de mise en scène, irrespectueuses des prescriptions de l ’auteur, sont trop facilement évitables pour qu’ on les puisse pardonner en aussi solen nelle occurrence. P a r ailleurs, encore que l ’interprétation, si peu zélée au dénouement, ait, en somme, été très honorable, on n ’oserait pas dire qu’elle fut le rêve. Corsetée sous un albe et élégant peignoir à traîne, coiffée en bandeaux ondulés, M11®Grandjean affichait impé- remptoirement l ’aspect, le type et les allures d ’ une vierge chassée du W alh all, endormie 20 ans sur un roc,entourée de flammes et réveil lée d ’hier. Son chant valait mieux que ses gestes. M. Delmas, bla fard , orné d’ une paire de sourcis noirs dont la pointe menaçait le ciel, s ’ évertua non sans [quelque bonheur intermittent de dépouiller une indurée grandiloquence idoine à la majesté wotanienne qui lui devint une seconde nature. M11®Féart et M. Gilly semblaient passi vement résignés à l’ingratitude de leurs rôles. M . Van Dyck était le seul qui parfois essayât de jouer d’autre façon qu’ il est coutume à l’Opéra. Malheureusement, il jouit de beaucoup plus d ’embonpoint que de voix. Son organe est usé jusqu’à la corde ultime et, sauf le respect dû à nos institutions, avec sa perruque bouclée, sa barbe rare au x joues et sa vaste encolure, il évoquait, en blond, étonnamment l’honorable M agistrat suprême et Président de notre République. Il mourut d’ailleurs assez mal, gêné sans doute autant que nous des effets de sa corpulence, et peut-être celle-ci fut-elle aussi la cause qué le rideau tomba dès les premiers accords de la marche funèbre, châ
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