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3o8 MERCVRE DE FRANCE— iG-xi-iyo8 une édition corrigée et complétée des Souvenirs de M“ 0de Staël (i), dont on n ’avait que l ’édition tronquée établie d’après les trop pruden­ tes indications du baron Auguste de Staël. Poursuivant ses travaux sur l’auteur de Corinne, M. P . Gautier nous donne aujourd’hui l’histoire des relations du duc Mathieu de Montmorency et de Mme de Staël, histoire retracée d ’après les lettres inédites de M. de Montmo­ rency à Mme Necker de Saussure. C ’est de celle-ci, cousine de Mme de Staël, que les éditions ordinaires des Souvenirs (celles composées d’après l ’édition princeps d’A uguste de Staël) reproduisent uue lon­ gu e étude sur Corinne, étude interminable, mais d’une sérieuso valeur biographique. Unie par des liens, non seulement de parenté, mais d ’amitié, à son illustre cousine, ayant partagé à divers inter­ valles son existence, Mmo Necker de Saussure connut chez sa parente Mathieu de Montmorency, et, une certaine affinité des caractères aidant, elle devint la confidente des sentiments de ce dernier pour M“’e de Staël, qu’il aimait, on le sait, d’une grande affection, sans qu’on soit certain qu’il ait été, au moins, « l ’élu secret d’un jour ». C’ est ainsi que la correspondance publiée par M. P au l Gautier, qui l’a encadrée d’ un intéressant récit biographique, éclaire de façon définitive cette liaison célèbre. Le bon Mathieu de Montmorency, qui eut toujours besoin de se dévouer à une cause, cause de l ’Amérique, cause du libéralisme et de la jobarderie politique en 89, cause de la légitimité sous la Restau­ ration, s ’était, dans l ’intervalle, alors que le Consulat et l’Empire laissaient, dans le domaine politique, des loisirs à son zèle d’ apôtre, consacré à ce qui fut la plus absorbante et peut-être la plus ingrate de toutes les causes qu’il défendit jam ais, nous voulons parler de Mme de Staël. Corinne, la grande agitée, lui donna beaucoup de m al, et l ’on revoit, dans ces lettres où Mathieu de Montmorency a m is l’ accent de son affection inquiète, facilement attristée, préoccupée d’ un idéal un peu transi de pureté, de tenue morale, toute la vie sporadique de Mme de Staël. Aidé de la douce M“ e Necker de Saus­ sure (une vraie vocation aussi pour les bonnes œuvres, branche de l’éducation), l ’excellent M. de Montmorency s’était institué le directeur de conscience de son instable et fougueuse amie. Tâche laborieuse, où aussi bien il apportait des exigences, dont on ne sait si c’est quel­ que sorte d’am our pour la grande passionnée (encore qu’ assez hom- masse) qui les inspirait, ou plutôt quelque scrupuleuse casuistique du sentiment moral qui semble avoir assez été dans le caractère de Mathieu de Montmorency. C ’est ainsi que, scrutant la douleur de Mm0 de Staël lors de la mort tragique du second fils de celle-ci, il trouve le moyen d’écrire ceci : « Quel malheureux jeune homme... (1) Voy. Mercure de France du 15 janvier 1905 et du i 5 décembre 1906.