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MERCVRE DE FRANCE— 16-xi-1908 ble l’ordure et le sentiment, à donner à la vertu un parfum de vice, au vice un parfum de vertu, à intervertir toutes les relations d’âge, de sexe, de famille, d’affections. Leur art avait ainsi une odeur sai generis, qui sentait boa et mauvais à la fois, c ’est-à -dire très m au­ vais : ils nommaient cela « amoralisme »... Leur style n’était pas moins mêlé que leurs sentiments. Ils s’étaient fait un argot compo­ site, d ’expressions de toutes classes et de tous pays, pédantesque, chatnoiresque, classique, lyrique, précieux, poisseux et poissard, une m ixture de coqs-à -l’âne, d’afféteries, de grossièretés et de mots d’esprit qui semblaient avoir un accent étranger... Parfois cependant la vraie nature de ces écrivains juifs se réveillait soudain, montait des lointains de leur être à propos d’on ne savait quels échos mysté­ rieux provoqués par le choc d’ un mot, d’ une sensation. Alors c’était un amalgame étranger de siècles et de races, un souffle du désert, qui, par delà les mers, apportait dans ces alcôves parisiennes des relents de bazar turc, Téblouissement des sables, des hallucinations orientales, une sensualité ivre, une puissance d ’invectives, une névrose enragée à deux doigts des convulsions, — Sam son,qui brus­ quement — assis depuis des siècles dans l ’ombre — se lève comme un lion et secoue avec rage les colonnes du Temple qui s’écroulent sur lui et sur la race ennemie. » Hein ? Qu’est-ce que vous dites de ce bolide dans votre assiette ? Moi, humblement, je prends du lait 1 Oh ! L ’amoralisme pour le mouchoir des auteurs en vogue! L ’argot composite poisseux et poissard ! Et le petit vent du désert qui sent la pastille du sérail voisin ! Mais, cher Monsieur, vous avez donc perdu la tête ? On pense ces jolies choses-là, on les pense toujours, on ne les avoue jamais! vous oubliez que pour appeler un chat un chat outraiterde ju if unisraèlite, il faut être colossalementricheaujourd’hui ou si fatalement pauvre qu’on nepuisseavoir le droitderien emprun­ ter. Et tout le volume est de ce ton violent, bourru, d’ une insolence irrémédiable. Je sais bien qu’Antoinette, sœur dévouée, pâle figure d’ange, nous console un peu de ces coups de trique ; seulement elle n’a aucun rapport avec la figure principale, ce masque wagnérien, grimaçant de fureur du Jean-Christophe parcourant les différents cer­ cles de l’enfer parisien pour y faire entendre sa m usique... et des véri­ tés tonitruantes. M onsieurRomain Rolland, vous avez un courage pas ordinaire, un courage vraiment’ français, cependant, laissez-moi vous dire (aussi bien j ’ai fini de boire mon lait !) que vous auriez pu vous abstenir de nous faire envoyer tout ça par un Allem and! Il ne manque pas de musiciens ennuyeux chez n ousèts’il vous en fallait un absolu­ ment pour monter cette gamme, vous n’auriez eu que l’embarras du choix. L’Ile des Pingouins, par Anatole France. « Il est extrême­ ment difficile d ’écrire l’ histoire. On ne saitjam ais au juste comment