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286 MERCVRE DE FRANCE— i6-xi-igo8 terre heureuse. Vous m’ avez vu peut-être écumant, broyé de coups. Le fou rire cérébral me labourait la tête, le rire de I’A rrêt, Elle ne m’ est plus présente. Une douceur est sortie de la tourmente. Un peu de vertige encore. II me reste un attendris­ sement facile pour les petites choses qui n’ont pas face humaine. Je ne peinerai plus en vain, je ne proférerai aucun vocable d’inutile science. J’errerai faible au pays qu’jElle a voulu. J’ accomplirai des gestes que seul vous comprendrez dans le grand calme blanc de ma dernière station. AMARIOREM MORTE MULIEREM La gouge, au fond des bouges., une plus radieuse loque charnelle, un port moins clapotant et nauséabond, que la séra­ phique créature qui m’émascula. La joie ivre de tuer l’idée (rendons justice à son poétique instinct 1) en une plénitude de fierté et de sécurité ne pouvait emplir une âme ordinaire. Intelligente donc, belle assurément, avec de grandes larmes de tendresse et de purs sanglots, nulle poupée mieux ne repré­ senta l’ Epouse, l’invincible, la classique Epouse, soumise et pieuse, sous l’enivrant despotisme du mari. Un homme, dont elle ferait un enfant vivant par elle, ne voyant et ne croyant qu’ en elle, dont elle broierait, méthodiquement et dans une voluptueuse douceur, toutes les fibres et toutes les vertèbres, un talent qu’elle couvrirait de honte, en le faisant glorifier par une tourbe sans scrupules, un lutteur qu’ elle changerait en infirme, ce délice l’avait hantée, dès sa plus suave enfance. L a force et l’amour lui apparurent aussitôt comme deux proies, qu’il fallait saisir et torturer. J’essaierais en vain de redescendre avec vous les calmes abî­ mes, où, pendant dix ans, je roulais en frémissant d’épou- vante. Malheur plaisant, à qui tombe dans les érotiques filets d ’ une sèche détraquée, mais pitié à celui qui possède la noble créa­ ture penchée sur les féeries intérieures. Elle étouffe de son ombre la chimère. Par d’invisibles liens la magicienne vous garrotte au milieu du concert de louanges qui s’élève autour de son harmonieux maintien. C’est à qui nuancera mieux son