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QUATRE CENT QUARANTE.

que pour le bénir & l’adorer en silence, sans disputer sur ses divins attributs à jamais impénétrables, on est convenu de ne plus écrire sur cette question trop sublime & si fort au dessus de notre intelligence. C’est l’ame qui sent Dieu, elle n’a pas besoin de secours étrangers pour s’élancer jusqu’à lui[1].

Tous les livres de théologie, ainsi que ceux de jurisprudence, sont scellés sous de gros barreaux de fer dans les souterrains de la bibliothèque ; & si jamais nous sommes en guerre avec quelques nations voisines, au lieu de pointer des canons, nous leur enverrons ces livres dangereux. Nous conservons ces volcans de matière inflammable pour servir de vengeance contre nos ennemis : ils ne tarderont point à se détruire ; au

  1. Descendons en nous-mêmes, interrogeons notre ame, demandons-lui de qui elle tient le sentiment & la pensée ? Elle nous révélera son heureuse dépendance, elle nous attestera cette intelligence suprême, dont elle n’est qu’une foible émanation. Lorsqu’elle se replie sur elle-même, elle ne peut se dérober à ce Dieu dont elle est la fille & l’image ; elle ne peut méconnoître sa céleste origine. C’est une vérité de sentiment qui a été commune à tous les peuples. L’homme sensible sera ému du spectacle de la nature, & reconnoîtra sans peine un Dieu bienfaisant qui nous réserve d’autres largesses. L’homme insensible ne mêlera point à nos louanges le cantique de son admiration. Le cœur qui n’aima point, fut le premier athée.