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L’AN DEUX MILLE

palais élevé par ce Cardinal[1], qui faisoit de mauvais vers avec enthousiasme, & qui faisoit couper de bonnes têtes avec tout le sang-froid possible ? — Ce grand bâtiment renferme plusieurs salles où l’on fait un cours d’étude bien plus utile à l’humanité. On y dissèque toutes sortes de cadavres. Des anatomistes sages cherchent dans les dépouilles de la mort, des ressources pour diminuer les maux physiques. Au lieu d’analyser de sottes propositions, on essaye de découvrir l’origine cachée de nos cruelles maladies, & le scalpel ne s’ouvre une voie sur ces cadavres insensibles que pour le bien de leur postérité. Tels sont les docteurs honorés, ennoblis, pensionnés par l’État. La Chirurgie s’est reconciliée avec la Médecine, & cette dernière n’est plus divisée avec elle-même.

Oh, l’heureux prodige ! On parloit de l’animosité des jolies femmes, de la fureur jalouse des poëtes, du fiel des peintres : c’étoient des passions douces en comparaison de la haine qui, de mon tems, enflammoit les suppôts d’Esculape. On a vu plus d’une

  1. Ô cruel Richelieu, triste auteur de tous nos maux, que je te hais ! Que ton nom afflige mon oreille ! Après avoir détrôné Louis XIII, tu as établi le despotisme en France. Depuis ce tems la nation n’a rien fait de grand : car que peut-on attendre d’un peuple composé d’esclaves !