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QUATRE CENT QUARANTE.

son tribunal, pour rendre compte du bien qu’elle avoit fait depuis quatre siecles, pendant lesquels on l’avoit alimentée, honnorée & pensionnée. Elle vouloit plaider sa cause dans son risible idiôme que sûrement les Latins n’auroient jamais pu comprendre. Pour le françois, elle n’en savoit pas un mot ; elle n’osa pas se hasarder devant ses juges.

L’académie eut pitié de son embarras. Il lui fut ordonné charitablement de se taire. On eut ensuite l’humanité de lui apprendre à parler la langue de la nation ; & depuis ce tems, dépouillée de son antique coëffure, de sa morgue & de sa férule, elle ne s’applique plus qu’à enseigner avec soin & facilité cette belle langue que perfectionne tous les jours l’académie françoise. Celle-ci, moins timide, moins scrupuleuse, la châtie, sans toutefois l’énerver. — Et l’école militaire, qu’est-elle devenue ? — Elle a suivi le destin des autres colleges : elle en réunissoit tous les abus, sans compter les abus privilégiés qui tenoient à son institution particuliere. On ne fait pas des hommes comme on fait des soldats. — Pardon si j’abuse de votre complaisance, mais ce point est trop important pour que je l’abandonne ; on ne parloit dans ma jeunesse que d’éducation. Chaque pédant faisoit son livre ; heureux encore tant qu’il n’étoit qu’ennuyeux. Le meilleur de tous, le plus simple, le plus raisonnable & en même tems le plus profond, avoit été