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na un Taïtien, qui en 1770 fixa pendant huit jours la curiosité de Paris. On ne savoit pas alors qu’un François ému de la beauté du climat, de la candeur de ses habitans, & plus encore des malheurs qui attendoient ce peuple innocent, s’étoit caché pendant que ses camarades s’embarquoient. À peine les vaisseaux furent-ils éloignés qu’il se présenta à la nation ; il l’assembla dans une vaste plaine & lui tint ce langage.

« C’est parmi vous que je veux rester pour mon bonheur & pour le vôtre. Recevez-moi comme un de vos freres. Vous allez voir que je le suis, car je prétends vous sauver du plus affreux désastre. Ô peuple heureux, qui vivez dans la simplicité de la nature ! savez-vous quels malheurs vous menacent ? Ces étrangers si polis que vous avez reçus, que vous avez comblés de présens & de caresses, que je trahis en ce moment, si c’est les trahir que de prévenir la ruine d’un peuple vertueux ; ces étrangers, mes compatriotes, vont bientôt revenir & améneront avec eux tous les fléaux qui affligent les autres contrées. Ils vous feront connoître des poisons & des maux que vous ignorez. Ils vous apporteront des fers, & dans leur cruel raisonnement ils voudront vous prouver encore que c’est pour votre plus grand bien. Voyez cette pyramide élevée, elle atteste déja que cette terre est