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L’AN DEUX MILLE

croient point se deshonorer en souffrant que leurs chevaux cédent le pas au citoyen.

Notre Souverain lui-même se promène souvent à pied parmi nous ; quelquefois même il honore nos maisons de sa présence, & presque toujours quand il est las d’avoir marché, il choisit pour se reposer la boutique d’un artisan. Il aime à retracer l’égalité naturelle qui doit régner parmi les hommes : aussi ne voit-il dans nos yeux qu’amour & reconnoissance ; nos acclamations partent du cœur, & son cœur les entend & s’y complait. C’est un second Henri IV. Il a sa grandeur d’ame, ses entrailles, son auguste simplicité ; mais il est plus fortuné. La voie publique reçoit sous ses pas comme une empreinte sacrée que chacun révère : on n’ose s’y quereller ; on rougiroit d’y commettre le moindre désordre : si le Roi passoit, dit-on ; cette réflexion seule arrêteroit, je crois, une guerre civile. Que l’exemple devient puissant, lorsqu’il est donné par la première tête ! comme il frappe ! comme il devient une loi inviolable ! comme il commande à tous les hommes !