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les revenus du royaume[1]. D’ailleurs, tous ceux entre les mains de qui on confie les dépôts publics ne peuvent faire aucun usage de l’argent, sous quelque prétexte que ce soit. Ce seroit un crime de haute trahison de recevoir d’eux une seule piéce monnoyée. Ils payent quelques fraix particuliers en billets signés de la propre main du souverain. L’état fournit à toutes leurs dépenses : mais ils n’ont pas un sol en propriété[2]. Ils ne peuvent ni vendre, ni acheter, ni construire. Nourris, entrete-

  1. Après que les monopoleurs, les administrateurs, les receveurs des fonds publics ont sacrifié la réputation de probité au désir de s’enrichir ; après qu’ils ont consenti à être odieux, ils ne s’avisent point de faire de leurs richesses un bon usage : ils couvrent sous le faste leur naissance & leur fortune ; ils s’étourdissent dans les plaisirs, pour perdre le souvenir de ce qu’ils ont fait & de ce qu’ils ont été. Mais ce n’est point là encore le plus grand mal : leurs grandes richesses corrompent davantage ceux qui les envient.
  2. Les vices intérieurs qui préparent la ruine de l’état sont, cette énorme dissipation des deniers publics, ces dons immodérés versés sur des sujets sans mérite, ces prodigalités fastueuses, méconnues des usurpateurs les plus effrénés. On peut observer dans l’histoire que les plus subtils tyrans ont précisément été les plus prodigues. J’ai lu quelque part qu’Auguste, maître du monde, avoit 40 légions armées, & les entretenoit pour 12 millions par an. Voilà assurément de quoi réfléchir.