Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/349

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

çoit les tributs du peuple de la campagne, c’est-à-dire, du fermier aisé ; car le manouvrier a ses bras en propriété, & sa tête ne doit rien à personne. Les bœufs & les porcs sont même exemts de ce droit odieux qu’on imposa la première fois sur la tête des juifs, & que vous avez payé sans en sentir l’avilissement.

— Mais, répondis-je : quoi ! on laisse à la bonne foi du peuple le tribut qu’il doit payer ? Il doit y en avoir beaucoup qui s’en exemtent, sans même que l’on s’en apperçoive ? — Point du tout : vos fraïeurs sont vaines. D’abord ce que nous donnons est de bon cœur : notre tribut n’est pas forcé ; il est fondé sur l’équité ainsi que sur la droite raison. Il n’en est pas un entre nous qui ne se fasse un point d’honneur de payer exactement la dette la plus sacrée & la plus légitime. D’ailleurs, si un homme en état de payer osoit s’y soustraire, voyez-vous ce tableau où sont gravés les noms de tous les chefs de famille, on découvriroit bientôt qu’il n’a point versé son paquet cacheté où doit être sa signature ; il se couvriroit d’un opprobre éternel, & seroit regardé du même œil qu’on regarde un voleur : le titre de mauvais citoyen ne le quitteroit qu’à la mort.

Ces exemples sont très-rares, puisque les dons gratuits montent ordinairement plus haut que le tribut. Le citoyen sait qu’en