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proposés, & qui ont l’agrément du public. Quelquefois il est plus riche que l’autre ; car nous aimons à être libres dans nos dons, & notre générosité ne veut d’autre motif que la raison & l’amour de l’État. Sitôt que

    L’aspect du faste, qui insulte à notre misère, rend notre état plus insupportable. On boit notre sang, & on nous défend la plainte ! L’homme dur, environné d’un luxe insolent, s’enorgueillit des ouvrages qu’ont fabriqués nos mains : il oublie notre propre industrie, tandis qu’il n’a en partage que la soif vile de l’or ; il nous croit ses esclaves, parce que nous ne sommes ni furieux ni sanguinaires.

    Les besoins renaissans qui nous tourmentent ont altéré la douceur de nos mœurs ; la mauvaise foi & la rapine se sont glissées parmi nous, parce que la nécessité de vivre l’emporte ordinairement sur la vertu. Mais qui nous a donné l’exemple de la rapine ? Qui a éteint dans nos cœurs ce fond de candeur qui nous lioit tous dans une parfaite concorde ? Qui a fait notre infortune, mere de nos vices ? Plusieurs de nos concitoyens ont refusé de mettre au jour des enfans que la famine viendroit saisir au berceau. D’autres, dans leur désespoir, ont blasphêmé contre la Providence. Quels sont les vrais auteurs de ces crimes ?

    Que nos justes plaintes percent l’athmosphère qui environne les trônes ! Que les rois se réveillent & se souviennent qu’ils pouvoient naître à notre place, & que leurs enfans pourront y descendre ! Attachés au sol de la patrie, ou plutôt en formant la partie essentielle, nous ne pouvons point nous dispenser de fournir à ses besoins. Ce que nous demandons, c’est un homme équitable qui s’applique à connoître