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en peintures vives & frappantes. C’est elle qui donne à la pensée des aîles de feu. Elle a vu & frappé l’objet ; elle s’y attache, parce que le plaisir d’être ému s’est joint à celui d’être éclairé[1].

Ainsi notre philosophie n’est point sévère ; & pourquoi le seroit-elle ? Pourquoi ne pas la couronner de fleurs ? Des idées bizarres ou lugubres honoreroient-elles plus la vertu, que des idées riantes & salutaires ? Nous pensons que le plaisir émané d’une main bienfaisante n’est pas descendu sur la terre pour qu’on recule à son aspect. Le plaisir n’est point un monstre : le plaisir, comme l’a dit Young, c’est la vertu sous un nom plus gai. Loin de

  1. Nous comptons plus sur les mœurs extérieures, c’est-à-dire sur la coutume, que sur toute autre chose. Voilà pourquoi nous négligeons l’éducation. Les Anciens traitoient les choses d’une maniere toute sensible, & jettoient sur l’étude des sciences je ne sais quel agrément dont on a perdu le secret. Le génie des modernes peche toujours par le défaut de sentiment : ils ont desséché, sous la férule du pédantisme, les talens les plus heureux. Est-il au monde une institution plus ridicule que celle de nos colleges, lorsqu’on vient à comparer nos maximes seches & mortes avec l’éducation publique que la Grece donnoit aux jeunes gens, ornant la sagesse de tous les attraits qui charment cet âge tendre ? Nos instituteurs ne paroissent que des maîtres farouches, & l’on ne s’étonne plus si leurs disciples sont les premiers à les fuir & à les abandonner.