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est fondé sur des raisons légitimes : par exemple, lorsque les deux conjoints le sollicitent à la fois, l’incompatibilité d’humeurs suffit pour rompre ces nœuds. On ne se marie que pour être heureux : c’est un contrat dont la paix & les soins mutuels doivent être le but. Nous ne sommes pas assez insensés pour retenir de force deux cœurs qui s’éloignent, & pour renouveller le supplice du cruel Mezence, qui attachoit un corps vivant sur un cadavre. Le divorce est le seul remède convenable, parce qu’il rend du moins à la société deux hommes perdus l’un pour l’autre. Mais le croiriez-vous ? Plus la facilité est grande, plus on tremble d’en profiter, parce qu’il y a une espèce de deshonneur à ne pouvoir supporter ensemble les misères d’une vie passagère.

    tissu plus fort. D’ailleurs, la population étant fort au-dessous de son véritable terme, c’est à l’indissolubilité du mariage qu’on doit attribuer la cause secrette qui mine sourdement les monarchies catholiques. Si elles tolèrent encore quelque tems, & le célibat qui domine parmi nous, (fruit de la plus triste administration) & le célibat ecclésiastique qui semble de droit divin, elles n’auront plus que des troupes énervées à opposer aux armées nombreuses, saines & robustes des peuples chez lesquels le divorce est permis. Moins il y aura de célibataires, plus les mariages seront chastes, heureux & féconds. La diminution de l’espèce humaine conduit nécessairement un empire à sa ruine totale.