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te poursuite les fatiguoit. Chargées du soin de conduire les premières années de nos enfans, ils n’ont plus d’autres précepteurs qu’elles ; parce que plus vigilantes, plus instruites qu’elles ne l’étoient dans votre siécle, elles connoissent mieux le plaisir délicieux d’être mères dans toute l’étendue du terme.

Mais (m’écriai-je) ! malgré toute la perfection dont vous êtes remplis, l’homme est toujours homme ; il a ses foiblesses, ses fantaisies, ses dégoûts. Si le flambeau de la discorde prenoit la place du flambeau de l’hymen, comment faites-vous alors ? Le divorce est-il permis[1] ? — Sans doute, lorsqu’il

  1. Nicolas I s’érigeant en réformateur des loix divines, naturelles & civiles, abrogea le divorce dans le neuvième siécle. Il était en vogue chez tous les peuples de la terre, autorisé parmi les Juifs & les Chrétiens. Quel est le sort du genre humain ! Un seul homme lui ravit une liberté précieuse ; d’un lien civil fait une chaîne indissoluble & sacrée, fomente à jamais les discordes domestiques. Plusieurs siécles donnent à cette loi inepte & bizarre une sanction inviolable ; & les guerres intestines, qui troublent l’intérieur des maisons & la dépopulation des États, sont les fruits du caprice d’un pontife. Il est évident que le divorce étant permis, les mariages seroient plus heureux. On redouteroit moins de contracter un lien qui ne nous enchaîneroit point au malheur. La femme seroit plus attentive, plus soumise ; le lien, n’étant durable que par la volonté des conjoints, auroit un