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de votre ame, il est encore tems de le subjuguer ; abdiquez le diadême, descendez de ce trône, rentrez dans la foule ; vous serez plus grand, plus respecté, citoyen obscur, que monarque vain ou sans courage. Que ce ne soit point la chimère de l’autorité qui flatte votre jeune cœur, mais l’idée douce & grande de pouvoir faire un bien réel aux hommes. Je vous promets pour récompense l’amour de ce peuple qui nous écoute, ma tendresse, l’estime du monde, & l’assistance du monarque de l’univers. C’est lui qui est roi, mon fils, nous ne sommes que des simulacres qui passons sur la terre pour accomplir ses augustes desseins[1].

Le jeune prince ému, attendri, le front couvert d’une modeste pudeur, n’ose lever les yeux sur cette grande assemblée dont les regards l’environnent & le pressent. Il répand des larmes, il pleure en envisageant l’étendue de ses devoirs ; mais bientôt il agit en héros : on lui a enseigné que le grand homme doit se sacrifier pour ses semblables,

  1. Garnier fait dire à Nabuchodonosor, enflé de sa puissance & de ses victoires : Qu’est-il, ce Dieu qui commande à la pluye, aux vents, aux tempêtes ? Sur qui règne-t-il ? Sur des mers, sur des rochers, &c

    Insensibles sujets, moi je commande aux hommes.
    Je suis l’unique Dieu de la terre où nous sommes.