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— Mais, lui dis-je, de tels changemens ont dû être longs, pénibles, difficultueux. Que d’efforts il vous a fallu faire ! — Le sage, souriant avec douceur, répondit : le bien n’est pas plus difficile que le mal. Les passions humaines sont de terribles obstacles. Mais dès que les esprits sont éclairés sur leurs véritables intérêts, ils deviennent justes & droits. Il me semble qu’un seul homme pourroit gouverner le monde, si les cœurs étoient disposés à la tolérance & à l’équité. Malgré l’inconséquence ordinaire aux gens de votre siécle, on avoit sû prévoir que la raison feroit un jour de grands progrès ; les effets en sont devenus sensibles, & les principes heureux d’un sage gouvernement ont été le premier fruit de la réforme.

    grands besoins exténuent le pauvre, attristent son ame, & l’extrême misere qu’il combat chaque jour avec courage le mène lentement au tombeau. Tout souffre… Le monarque reprit : « dites-moi, je vous prie, qu’est-ce que misere ? » Le philosophe soupira, se tut, & le remit dans le chemin de son palais.