Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/299

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En proportion des lumières acquises, sans doute, qu’il eût été honteux pour notre espèce d’avoir mesuré la distance de la terre au soleil, d’avoir pesé tous les globes, & de n’avoir pu découvrir les loix simples & fécondes qui doivent diriger des êtres raisonnables. Il est vrai que l’orgueil, la cupidité, l’intérêt présentoient mille obstacles : mais quel plus beau triomphe que de trouver le nœud qui devoit faire servir ces passions particulieres au bien général ! Un vaisseau qui sillonne les mers commande aux élémens au moment même où il obéit à leur empire : soumis à une double impulsion, sans cesse il réagit contre eux. Voilà peut-être l’image la plus fidelle d’un État : porté sur des passions orageuses, il reçoit d’elles le mouvement, & doit résister aux tempêtes. L’art du pilote est tout. Vos lumieres politiques n’étoient qu’un crépuscule ;

    révolution, & il ébranlera votre trône ou celui de vos enfans. Le peuple est immortel, & vous devez passer. La majesté du trône réside plus dans une tendresse vraiment paternelle que dans un pouvoir illimité. Ce pouvoir est violent & contre la nature des choses. Plus modéré, vous serez plus puissant. Donnez l’exemple de la justice & croyez que les princes qui ont une morale sont plus forts & plus respectés. » Assurément on prendroit ce philosophe pour un visionnaire, & on ne daigneroit peut-être pas le punir de sa vertu.