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meuroit pleine & attestoit l’abondance publique.

Cette auguste séance se tenoit une fois par semaine, & duroit trois heures. Je sortis de cette salle, le cœur pénétré, & aussi rempli de respect pour ce roi que pour la Divinité même, l’aimant comme un père, l’honorant comme un Dieu protecteur.

Je conversai avec plusieurs personnes de tout ce que je venois de voir & d’entendre : ils étoient surpris de mon étonnement ; toutes ces choses leur sembloient simples & naturelles. « Pourquoi, me dit l’un d’eux, avez-vous la fureur de comparer ce tems présent à un vieux siécle bizarre, extravagant, où l’on avoit de fausses idées sur les matières les plus simples, où l’orgueil jouoit la grandeur, où le faste & la représentation étoient tout, & le reste rien, où la vertu enfin n’étoit regardée que comme un fantôme, pur ouvrage de quelques philosophes rêveurs[1] ».

  1. Il faut respecter les préjuges populaires ! tel est le langage de ces génies étroits, pusillanimes, pour lesquels il suffit qu’une loi subsiste pour paroître sacrée. L’homme vertueux, à qui seul il appartient d’aimer & de haïr, connoît-il cette modération criminelle ? Non : il se charge de la vindicte publique ; ses droits sont fondés sur son génie, & la justice de sa cause sur la reconnaissance de la postérité.