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De quel étonnement je fus frappé, lorsqu’au lieu de quelques os desséchés j’apper-

    dans son enveloppe, près ***, très-fâché de ne pouvoir aller plus avant. J’aurois voulu imprimer mes pas sur son noyau & de-là l’interroger sur les nations diverses qui ont passé sur sa surface, lui demander si dans le nombre infini de ses enfans quelqu’un l’a remerciée de ses bienfaits ; & à l’endroit où je médite, loin de la clarté du jour, elle auroit produit des fruits nourriciers ; si là étoit un peuple ou un trône, & combien de couches formées des débris du genre humain elle recele du fond de cet abîme jusqu’au dernier point de son diametre ? Je l’aurois sollicitée à me laisser lire toutes les catastrophes qu’elle a essuyées ; & je l’aurois trempée de mes larmes en apprenant tous les désastres dont elle n’a pu garantir sa nombreuse famille ; désastres gravés sur des médailles incontestables, mais dont le souvenir est entiérement effacé : désastres qui renaîtront quand elle dévorera dans ses flancs la génération présente, qui à son tour, sera foulée par des générations sans nombre qui n’auront peut-être d’autre ressemblance avec celle-ci que le partage des mêmes infortunes. C’est alors qu’au milieu de ma douleur, aussi juste qu’humain, j’aurois formé des vœux cruels & charitables, j’aurois souhaité qu’elle engloutît dans son sein jusqu’au dernier être animé, qu’elle dérobât tout animal né sensible aux rayons de ce soleils dont toutes les faveurs sont insuffisantes à la dédommager de l’oppression des tyrans, qui se la partagent & la consument.

    Il roulerait ce globe qui porte tant de malheureux, il rouleroit alors dans un vaste & fortuné silence ; il n’offriroit aux rayons du soleil aucun infortuné forcé de le maudire. Aucun cri plaintif ne s’éleveroit de