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jours le cri public qui alloit frapper les murailles ou l’orateur, qui déclamoit avec faste, rioit lui-même tout bas des couleurs mensongères dont il paroit son idole.

Voyez son rival, son vainqueur doux & modeste, cet aimable, ce sensible Fenelon, auteur du Télémaque & de plusieurs autres ouvrages que nous avons soigneusement conservés, parce qu’on y trouve l’accord rare & heureux de la raison & du sentiment[1]. Avoir composé le Télémaque à la cour de Louis XIV nous semble une vertu étonnante, admirable. Certainement le monarque n’a pas compris le livre, & c’est ce qu’on peut avancer de plus favorable en son honneur. Sans doute il manque à cet ouvrage des lumières plus vastes, des connoissances plus approfondies ; mais que dans sa simplicité il a de force, de noblesse & de vérité ! Nous avons mis à côté de cet écrivain les

  1. L’Académie Françoise a proposé son éloge pour le prochain prix d’eloquence. Mais si l’ouvrage est ce qu’il doit être, l’Académie ne pourra couronner le discours. Pourquoi donner des sujets qu’on ne sauroit traiter dans toute leur plénitude ?

    Au reste, j’aime ce genre, où en discutant le génie d’un grand homme, on discute & on approfondit l’art auquel il s’est adonné : Nous avons eu d’excellens Ouvrages en ce genre & surtout ceux de Mr. Thomas. C’est le livre le plus instructif que l’on puisse mettre entre les mains d’un jeune homme ; il y puisera, à la fois, & d’utiles connoissances & un amour raisonné de la gloire.