Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/197

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lumiere plus éclatante & plus vive ; ils s’enfoncerent bientôt sous l’horizon, & mes yeux distinguerent le disque de la lune à moitié dégagé de l’ombre. Il luit enfin dans tout son éclat ; il reparoît aussi brillant qu’il étoit. L’astre solitaire poursuit son cours. Je retrouve mon courage ; je m’élance de ce cercueil. Le calme des airs, la sérénité du ciel, les rayons blanchissans de l’aurore, tout me rassure, me raffermit & dissipe les terreurs que la nuit avoit enfantées.

Debout, je regardois en souriant cette fosse qui m’avoit reçu dans son sein. Qu’avoit-elle de hideux ? C’étoit la terre, ma nourrice, & qui me redemanderoit dans le tems cette portion d’argile qu’elle m’avoit prêtée. Je n’apperçus rien des fantômes dont les ténèbres avoient frappé ma crédule imagination.

C’est elle, elle seule qui enfante de sinistres images. Amis ! j’ai cru voir le tableau du trépas dans cette avanture. Je suis tombé dans la fosse avec cet effroi, le seul appui peut-être dont la nature pouvoit étayer la vie contre les maux qui l’assiegent ; mais je m’y suis endormi d’un sommeil doux & qui même avoit sa volupté. Si cette scène fut affreuse, elle n’a duré qu’un instant, elle n’a presque point existé pour moi : je me suis réveillé à la douce clarté d’un jour pur & serein ; j’ai banni une terreur enfantine, & la joie est descendue dans la profondeur de